Photos et lettres des Philippines, de France et d'ailleurs

Photos et lettres  des Philippines, de France  et d'ailleurs

Le temps est comme un rêve. Les Estienne, promotion 1971

J'étais rentré des Philippines un peu plus tôt que d'habitude pour participer à la réunion annuelle des anciens de notre promotion des agents de fabrication de l'école Estienne, millésime 1971.


 

(Notre dernière réunion à Aumale en Haute Normandie, Pentecôte 2012)

 

Sur une classe de 15 dont 2 Africains et 1 Libanais rentrés chez eux, nous sommes encore 5 à nous revoir régulièrement quarante deux ans après notre première rencontre.

 

(Notre première réunion dans un restaurant parisien après Estienne en 1971)

 

Au début nous venions avec femmes et enfants mais maintenant que nos progénitures sont adultes, nous ne sommes plus qu'une bande de retraités et leurs épouses à nous revoir.

 

(Réunion près de Marseille en 1972)

(Verdun sur le Doubs, passage d'une écluse sur la Saône avec nos bateaux)

 

(Bourg d'Oisans dans les Alpes)

(Piriac sur l'Atlantique)

(Saint Georges de Didonne près de Royan)

 

(Landunvez, Nord Finistère)

 

Tout comme la musique du film Interlude de 1968, Time is like a dream, le temps écoulé est comme un rêve dont on se souvient avec plaisir ou douleur, que l'on s'efforce d'oublier ou bien encore que l'on préfère censurer au réveil.

Lorsque je fais appel à des souvenirs chargés d'émotions, je ne veux pas aligner des mots directement sur l'ordinateur en tapant sur les touches du clavier. Je préfère revenir à l'outil de mon enfance, à savoir mon vieux stylo-plume d'où les lettres s'écoulent avec l'encre pour devenir des mots et des phrases sur une feuille blanche.

Me voici donc revenu à mes amis d'Estienne et à notre première rencontre en septembre 1970.  J'avais consacré tout mon temps libre pendant plusieurs mois à préparer le concours d'entrée à l'École Estienne afin d'être admis à un programme réservé aux adultes et qui le temps d'une année scolaire devait nous donner un niveau BTS en Arts et Industries graphiques. Suivre ces cours et obtenir le diplôme devaient transformer notre vie professionnelle et notre vie tout simplement.

Après avoir tenté d'en apprendre un maximum sur les techniques de l'imprimerie, la littérature française, l'histoire de l'art etc., je passai le concours en mai 1970 et à la fin de la journée je ne croyais plus guère en mes chances après avoir écouté les commentaires de nombreux candidats que je ne revis d'ailleurs plus par la suite.

Courant juin, alors que j'étais en cours du soir, un copain vint me dire que mon nom figurait sur la liste des admis et je crus à une blague. Je descendis les escaliers quatre à quatre et je le vis immédiatement sur la liste. Je pense que ce fut un des plus beaux moments de mon existence et pourtant je savais avoir devant moi une année de privations car à l'époque il n'y avait pas de formation continue prise en charge par l'employeur.

C'est vrai que je venais de bien bas. Fils d'un ouvrier boulanger et d'une mère au foyer de cinq enfants, je m'étais égaré dans un lycée classique de Lille, qui en 1958 était surtout fréquenté par la bourgeoisie. Certains professeurs et élèves firent de leur mieux pour m'en dégouter à un âge où je réalisai que les différences sociales n'étaient pas qu'une question d'argent mais également tout un ensemble de préjugés.

C'est donc en mai 1959 à l'âge de 14 ans 1/2 que je quittai le lycée Faidherbe et commençai ma vie professionnelle. D'abord apprenti confiseur puis apprenti pâtissier, je passai ensuite six mois dans une filature de lin pour finalement choisir le métier de mon père, boulanger.

Jusqu'à mon service militaire je fus d'abord apprenti puis second ouvrier avant de devenir premier ouvrier.

Volontaire outre-mer, je fus incorporé 4e régiment d'infanterie de marine à Toulon pour y faire mes classes puis je fis un stage à Fréjus avant d'être envoyé à Nouméa en Nouvelle Calédonie.

La découverte des tropiques, des cocotiers et des mers chaudes me marquèrent à jamais néanmoins je n'eu guère beaucoup de temps pour visiter le territoire car je travaillais la nuit du samedi au dimanche pour me faire de l'argent de poche.

 

(Nouvelle Calédonie 1964. Je plaisante pour la photo avec un balai et un paréo)

 

Après seize mois passés sous les drapeaux dont un an dans le Pacifique, en juin 1965 je rentrai en Métropole où je repris mon travail. Cependant j'avais maintenant envie de découvrir le monde et en juin 1966 j'immigrai au Canada où j'exerçai à nouveau mon métier de boulanger dans des conditions toutes aussi difficiles et pas mieux payé qu'en France.

 

(Canada 1966. Un de mes rares moments de loisir à Montréal, je suis à gauche sur la photo)

 

Huit mois plus tard j'étais de retour à Paris où ma mère et mon plus jeune frère avaient emménagé. Je retrouvai facilement du travail mais j'étais dégouté par mon expérience canadienne, j'aspirai à faire autre chose aussi déclinai-je l'offre pour me mettre à la recherche d'un emploi me permettant de retourner à l'école en cours du soir.

Je fus embauché par une société d''assurance, l'Union-Vie, qui plus tard devint l'UAP et aujourd'hui AXA. En raison de mes années passées à exercer un travail manuel, on me proposa un poste dans leur atelier de duplication où j'appris à utiliser une petite machine à imprimer offset.

En septembre 1968 je fus admis en cours du soir à l'École Estienne et j'obtins mon CAP de conducteur offset en juin 1969. En septembre, je m'inscrivis à nouveau à plusieurs cours du soir et après avoir pris conseil auprès M. Merlan professeur à Estienne et auquel je dois en grand partie ma réussite dans ma nouvelle carrière, je préparai le concours d'entrée pour les cours d'agent de fabrication à temps complet pour l'année scolaire 1970-1971.

Ce fut une année bien remplie et très studieuse. Certes comme la majorité des élèves je ne roulais pas sur l'or car l'UAP avait refusé de me prendre en charge et j'avais dû démissionner mais j'étais heureux d'étudier et de m'ouvrir l'esprit par le savoir. Par ailleurs il régnait entre nous une très grande camaraderie et beaucoup d'entre-aide. La plupart étaient comme moi des ouvriers avec une très grande envie de promotion sociale grâce aux études. Certains étaient déjà mariés et pères de famille et pour eux le sacrifice financier était encore plus lourd car ce n'est finalement qu'un janvier 1971 que nous obtînmes une petite aide du gouvernement.

En juin 1971 nous eûmes presque tous notre diplôme et ce jour'un vieux professeur, M. Bouffil, nous tint ce discours: "vous croyez savoir plein de choses mais vous ne savez rien, par contre si vous avez appris à apprendre, vous avez gagné". Combien il avait raison !

 

(Aumale en Haute Normandie, nouvel an 2007)

(Le Tréport, février 2010)

(Juigné sur Loire dans l'Anjou, juin 2011)

 

C'est ainsi que quarante deux ans plus tard nous nous sommes retrouvés à la Pentecôte en Haute Normandie, l'année précédente c'était en Anjou et l'an prochain ce sera chez nous aux Philippines.

 

(Ces deux  photos en hommage à nos disparus, Anne épouse de Bernard et Albert mari de Mireille)

 

Ci-dessous le lien pour la chanson "Time is like a dream par Timi Yuro".


http://www.youtube.com/watch?v=uorg-CyaoBs

 

 



24/07/2012
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