Photos et lettres des Philippines, de France et d'ailleurs

Photos et lettres  des Philippines, de France  et d'ailleurs

Août 2009 : A Yiddish Mame (1)

(1) Chanson du folklore Yiddish

http://www.youtube.com/watch?v=0bLWDbgZdfA


( Ma mère, A Yiddish Mame)

Le mois d'août est vraiment agréable et calme en région parisienne et on peut y circuler sans les habituels embouteillages aussi je fus d'accord quand ma femme me proposa d'aller me recueillir sur la tombe de ma mère au cimetière de Pantin puis ensuite rendre visite à ma sœur dans le 20e arrondissement de Paris.

Ma mère repose dans le quartier Juif du cimetière et c'est longue histoire qui commence le 8 octobre 1883 avec la naissance de mon grand-père Ichapsa (Sébastien) Rabinovitch à Kichinev en Bessarabie alors province Russe et aujourd'hui  partagée entre la Moldavie et l'Ukraine.

Il trouva refuge en France après les terribles pogroms dont furent victimes le Juifs de Kichinev en 1903 et 1905.

 

http://fr.wikipedia.org/wiki/Pogroms_de_Kichinev

 

Son frère quant à lui partit en Palestine rejoindre tous ces émigrés d'Europe de l'Est chassés par les pogroms ainsi que ceux de l'Ouest choqués par l'affaire Dreyfus. C'est un journaliste Autrichien Theodor Herzl qui à la suite du procès Dreyfus, créa le mouvement Sionisme au congrès de Bâle en 1897 prônant  la création d'un abri permanent  pour le peuple Juif en Palestine alors province Ottomane.

 

http://fr.wikipedia.org/wiki/Theodor_Herzl

 

C'est par ma mère que je connais quelques bribes de ce que fut la vie de mon grand-père. Austère, érudit, philosophe et athée bien que fils de Rabbin,  il prit pour épouse  une Polonaise qui lui donna une seule fille qu'ils élevèrent dans l'ignorance de la religion juive.

Après la naissance de ma mère en 1911, ils partirent à leur tour en Israël mais sans doute rebutés par la vie dure des pionniers de l'époque, ils revinrent en France en 1914 à la déclaration de la première guerre mondiale.

Il créa en banlieue parisienne une entreprise qui fabriquait des pièces pour l'aviation alors naissante. Il serait aussi selon ma mère l'inventeur de l'éponge en paille de fer. J'ai fait depuis des recherches sur Internet mais je n'ai rien trouvé pour corroborer ses affirmations.

Ma grand-mère mourut à l'âge de 36 ans laissant mon aïeul dans le plus grand désarroi.  Il se désintéressa de plus en plus de ses affaires jusqu'à tour perdre et ma mère se retrouva confiée à 16 ans à la garde de ses grand- parents maternels.

Elle occupa de nombreux emplois et ils voulurent la marier plusieurs fois à de bons  partis israélites mais c'est mon père qui était venu à Paris de son Aisne natal qui sut gagner son cœur bien que non juif.

Ils eurent d'abord ma sœur aimée Huguette en 1933 puis mon frère Gilbert en 1934. Mon père les fit baptiser catholiques sans opposition de ma mère.

D'abord ouvrier boulanger, ils eurent enfin leur propre commerce et tout alla pour le mieux pour eux jusqu'à la déclaration de la deuxième guerre mondiale.


(Ma mère tient par la main ma soeur Huguette et mon frère Gilbert. Mon père est debout à la porte)


Mon père fut mobilisé dans la marine et affecté à Cherbourg sur un dragueur de mines.


(Ma mère et mon père à Cherbourg en 1940)


Plus tard il participa à la débâcle de Dunkerque et y fut blessé à la jambe avant d'être évacué sur l'Angleterre où il resta quelques temps avant de rentrer en France comme l'y autorisait les termes de l'armistice.

Sur le chemin du retour embarqué sur le transport de troupes Meknès et bien que naviguant tous feux allumés, le bateau fut coulé par la marine allemande et mon père avec plusieurs côtes cassées resta douze heures dans l'eau accroché à un morceau de bois avant d'être recueilli par un croiseur britannique. Il eut de la chance car sur 1500 hommes embarqués, 800 périrent. Cette fois il resta plus d'un an en Grande Bretagne avant de regagner la France dans des conditions qui me restent encore inconnues.

Pendant ce temps les nazis occupèrent la France et ne laissèrent au gouvernement de Pétain qu'une partie du territoire appelé « France libre ».

Les lois contre les Juifs entrèrent en vigueur avec de surcroit l'obligation de porter l'étoile jaune. Ma mère bien qu'ignorante du sort qui attendait ses coreligionnaires s'y refusa toujours et cela ajouté à son nom de femme bien français la sauva sans doute du pire.

Au cours de la rafle du vélodrome d'hiver des 16 et 17 juillet 1942, 12 884 hommes, femmes et enfants furent arrêtés, transportés à Drancy puis déportés à Auschwitz  où ils furent exterminés. Ils représentaient  le quart des 42 000 juifs français envoyés dans les camps de la mort dont seuls 881 revinrent vivants.

Peu après mon grand-père vint rendre visite à ma mère avec son étoile jaune sur la poitrine et lui dit que Paris n'était plus sur pour eux et il lui proposa alors de l'emmener en zone libre à Lyon. Elle refusa préférant attendre son mari à Paris avec ses deux enfants.

Elle n'eut plus jamais de se nouvelles et après la guerre elle entreprit des recherches auprès des organismes habilités mais en vain.

Je suis né en décembre 1944, son troisième enfant, puis mon frère Guy en 1946 et enfin le cinquième Joël en 1952. Tous baptisés catholiques selon le souhait de notre père, elle fut souvent sollicitée pour abjurer une croyance qu'elle ne pratiquait pas et dont elle ne connaissait rien ou peu mais qui aurait pu néanmoins lui coûter la vie. Elle se refusa toujours à se convertir désirant conserver la religion de ses parents.

Après bien des déboires financiers, mon père décéda en 1962 et elle resta seule avec ses 3 derniers enfants. Je renonçai alors à mes études pour aller travailler et mon puîné suivit mon exemple deux ans plus tard.

Le temps passe vite et nos vies aussi, ma mère en vieillissant nous répéta souvent que lorsqu'elle mourait elle voulait être inhumée dans la tradition de ses ancêtres.

Elle décéda en octobre 1999 et ses enfants respectant sa volonté, la firent enterrer, avec l'assistance d'un rabbin dans la partie juive du cimetière.

L'an dernier, un frère me téléphona me disant qu'une de ses filles avait retrouvé la trace du grand-père Rabinovitch en visitant le mémorial de la Shoah à Paris.


http://www.memorialdelashoah.org/


J'allais ensuite sur leur site Internet et je pus constater la véracité des dires de ma filleule de mes propres yeux.

Arrêté à Lyon il quitta Drancy à destination d'Auschwitz le 31 juillet 1944 alors que ma mère me portait dans son sein depuis 5 mois déjà.

Paris fut libéré 25 jours plus tard, le 25 août 1944 mais c'était bien trop tard pour cet immigré Russe qui avait fuit las pogroms pour finir dans un camp d'extermination nazi.

Son nom est inscrit au Mémorial de la Shoah à Paris sur le Mur des Noms en tant que Sébastien Rabinowitch né le 08/10/1883 à Kichineff, déporté par le convoi n°77 au départ de Drancy le 31/07/1944.

Maintenant nous savons…



(Le dernier nom en bas de la liste)

(Son reçu au camp de Drancy)


Sur ses 5 petits-enfants que nous sommes, un seul a rejoint le Judaïsme  en épousant une Juive sépharade. Quant à moi je suis génétiquement à moitié Français de souche et à moitié Judéo-Slave, Catholique car baptisé mais aussi Juif puisque né d'une mère Israelite, j'ai aussi épousé une Philippine avec un quart de sang espagnol  et mes 2 enfants sont un mélange de tout cela. De quoi prendre un peu de recul dans un monde toujours en folie.

 



09/08/2009
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